Coup de rétroviseur sur les déjà lointaines années 90. Pourquoi pas, à l’heure où fleurissent sur internet les listes les plus incongrues. Celle-ci est peut-être totalement inactuelle (pas tant que cela à quelques jours de la mort de Tony Scott) mais elle me trottait dans la tête depuis pas mal de temps. Il y a des films que je n’ai jamais revu depuis leur sortie et d’autres – plus nombreux – que j’ai visionné des dizaines de fois, sans me lasser. Il y a des cinéastes que j’ai détesté avant de les adorer (Fincher, Tarantino) donc que j’ai réintégré ici, et les films essentiels que j’avais manqués au moment de leurs sorties. Il y a bien sûr les absents, soit les cinéastes fameux dont les films ne m’intéressent pas plus que cela (inutile de les citer), soit tous les bons films qui n’ont pas pu rentrer dans la « short list » des dix films par an, soit tous les films importants que je n’ai pas encore vu malgré les nombreuses séances de rattrapage en DVD. Il est vrai qu’au début des années 90 je venais à peine de m’installer à Paris et j’étais encore étudiant (j’allais entrer à la Cinémathèque fin 95 et commencer à écrire dans « Les Inrockuptibles » en 97.) Je privilégiais les films du répertoire vus et revus à la Cinémathèque ou les séries B dans les salles de quartiers qui vivaient leurs dernières heures, au détriment des sorties récentes et des films d’auteur (à l’exception de Godard, Straub, Garrel et quelques autres). Ces listes sont dominées par les grands cinéastes anglo-saxons des décennies précédentes qui continuaient à œuvrer au meilleur de leur forme (De Palma, Coppola, Scorsese, Cronenberg, Eastwood, Verhoeven, Ferrara, Lynch…) et auxquels je vouais (et voue toujours pour la plupart d’entre eux) une admiration indéfectible. Ma cinéphilie était à l’époque très américaine, assez française et asiatique également, et très orientée vers le cinéma fantastique, d’action et de science-fiction qui produisait encore des œuvres passionnantes. Peu d’apparitions et de premiers films, aux exceptions notables à la fin de la décennie de Vincent Gallo, Harmony Korine et Naomi Kawase. Les choses allaient beaucoup changer dans les années 2000 où mes fonctions de délégué général de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes allaient m’inciter à davantage de curiosité pour la création contemporaine et la production indépendante internationale, ainsi que pour la découverte de nouveaux jeunes auteurs du monde entier. Lire pour s’en convaincre mon post https://olivierpere.wordpress.com/2011/02/02/retour-sur-quelques-grands-films-des-annees-2000/
Les années 90 furent pour moi la décennie des maîtres anciens, de Rohmer à Oliveira en passant par Kubrick et de quelques futures stars comme Burton, Fincher ou Tarantino. Les années 2000 et 2010 sont celles d’un art en pleine mutation technique et économique, entré en résistance avec des nouveaux prodiges de la mise en scène, Lisandro Alonso, Miguel Gomes, Albert Serra, Corneliu Porumboiu parmi les nombreux exemples de jeunes cinéastes formidables apparus ces dix dernières années, tandis que Coppola, Godard, Skolimovski, Carax et quelques autres continuent de révolutionner le cinéma et de nous le faire aimer, à leur manière.
1999
Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick
La Lettre de Manoel de Oliveira
Buffalo ‘66 de Vincent Gallo
Adieu, plancher des vaches de Otar Iosseliani
Gummo de Harmony Korine
Sicilia ! de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet
Fight Club de David Fincher
Pola X de Leos Carax
Khroustaliov, ma voiture ! d’Alexei Guerman
Perfect Blue de Satoshi Kon
1998
Starship Troopers de Paul Verhoeven
Inquiétude de Manoel de Oliveira
Les Fleurs de Shanghai de Hou Hsiao-hsien
L’Idéaliste de Francis Ford Coppola
Les Idiots de Lars von Trier
Jackie Brown de Quentin Tarantino
Dr. Akagi de Shohei Imamura
Suzaku de Naomi Kawase
Secret défense de Jacques Rivette
Sex Crimes de John McNaughton
1997
L’Anguille de Shohei Imamura
The Blackout d’Abel Ferrara
Ghost in the Shell de Mamoru Oshii
Larry Flint de Milos Forman
Lost Highway de David Lynch
Goodbye South, Goodbye de Hou Hsiao-hsien
Kids Return de Takeshi Kitano
Mars Attacks! de Tim Burton
The Blade de Tsui Hark
Du jour au lendemain de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet
1996
Mission : impossible de Brian De Palma
Casino de Martin Scorsese
Showgirls de Paul Verhoeven
Conté d’été d’Eric Rohmer
Au loin s’en vont les nuages d’Aki Kaurismäki
Crash de David Cronenberg
Seven de David Fincher
Dead Man de Jim Jarmusch
Nos funérailles d’Abel Ferrara
Safe de Todd Haynes
1995
Sur la route de Madison de Clint Eastwood
Prête à tout de Gus Van Sant
JLG/JLG de Jean-Luc Godard
Kids de Larry Clark
Le Garçu de Maurice Pialat
La Cérémonie de Claude Chabrol
Ed Wood de Tim Burton
La Fille seule de Benoit Jacquot
Jusqu’au bout de la nuit de Gérard Blain
Porco rosso de Hayao Miyazaki
1994
Killing Zoe de Roger Avary
M. Butterfly de David Cronenberg
L’Ange noir de Jean-Claude Brisseau
Pulp Fiction de Quentin Tarantino
L’Enfer de Claude Chabrol
Evil Dead III : l’armée des ténèbres de Sam Raimi
L’Etrange Noel de Monsieur Jack d’Henry Selick
Tueurs nés d’Oliver Stone
L’Eau froide d’Olivier Assayas
Speed de Jan de Bont
1993
Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese
L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer
Body Snatchers d’Abel Ferrara
Un monde parfait de Clint Eastwood
Val Abraham de Manoel de Oliveira
Mad Dog and Glory de John McNaughton
True Romance de Tony Scott
Un jour sans fin d’Harold Raimis
Bad Lieutenant d’Abel Ferrara
A toute épreuve de John Woo
1992
Lunes de fiel de Roman Polanski
Conte d’hiver d’Eric Rohmer
Les Nerfs à vif de Martin Scorsese
Twin Peaks : les derniers jours de Laura Palmer de David Lynch
Le Dernier Samaritain de Tony Scott
La Sentinelle d’Arnaud Desplechin
Le Dernier des Mohicans de Michael Mann
Impitoyable de Clint Eastwood
L’Esprit de Cain de Brian De Palma
Le Festin nu de David Cronenberg
1991
Van Gogh de Maurice Pialat
Le Parrain, 3ème partie de Francis Ford Coppola
Terminator 2 : le jugement dernier de James Cameron
Alice de Woody Allen
Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa
J’ai engagé un tueur d’Aki Kaurismäki
L’Echelle de Jacob d’Adrian Lyne
Close-up d’Abbas Kiarostami
Madame Bovary de Claude Chabrol
Edward aux mains d’argent de Tim Burton
1990
Nouvelle Vague de Jean-Luc Godard
Outrages de Brian De Palma
Rêves d’Akira Kurosawa
Total Recall de Paul Verhoeven
Crimes et Délits de Woody Allen
The King of New York d’Abel Ferrara
Sailor et Lula de David Lynch
The Player de Robert Altman
NON ou la vaine gloire de commander de Manoel de Oliveira
Les Affranchis de Martin Scorsese
Et j’aime vraiment le film “Y’aura t’il de la neige à Noël?” ( https://vfstream.co/2651-yaura-til-de-la-neige-nol-1996.html ), qui a été filmé en 1996.
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“Le dernier des Mohicans”, un film un peu atypique (comme “La forteresse noire”) pour le très urbain Michael Mann, j’ai eu l’occasion de le revoir il y a 3 ans à la Cinémathèque, le final sur la falaise est d’une beauté à couper le souffle…le gros plan sur le visage d’Alice (Jodhi May) avant sa chute est inoubliable.
“L’échelle de Jacob”…je garde un souvenir impressionné de ce film déroutant et émouvant, Tim Robbins y est formidable.
Ah, la terrible épreuve des listes ! Je vous épargnerai un commentaire année par année tant l’exercice est subjectif. Parmi ceux qui pourraient “surprendre”, je suis bien heureux d’y retrouver des films comme L’Echelle de Jacob, Sex Crimes, Evil Dead 3, Starship Troopers et Un Jour sans fin, qui font également partie de mes classiques et me semblent souvent injustement sous-estimés. Instinctivement, au rayon “films d’action”, deux absences me surprennent pourtant : celle de Last Action Hero de McTiernan, que j’ai découvert sur le tard mais qui m’a tout de suite semblé d’une richesse incroyable et d’une grande lucidité/intelligence dans son discours sur le rapport au cinéma, à l’enfance et à l’importance de l’imaginaire, en plus d’être un très bon divertissement (jolie résonnance, d’ailleurs, entre l’esprit de ce film et les dernières paroles de Bruce Willis dans Le Dernier Samaritain, revu récemment et qui reste toujours aussi efficace) ; et celle d'”A Toute Epreuve”, de John Woo, qui, bien qu’ayant grandi avec The Killer et lui restant attaché, me semble avoir mieux vieilli.
PS : The Killer ne date-t-il d’ailleurs pas plutôt de 1989 ?
Cher Julien, vous avez raison terrible épreuve des listes, je pourrais d’ailleurs en faire plusieurs avec des titres très différents pour chaque année. Jamais revu The Last Action Hero j’avais trouvé le film passionnant sur le plan conceptuel mais un peu lourdingue, je préfère de loin le McTiernan de Die Hard et Predator. D’accord avec vous, pour moi Hard Boiled est l’apogée du John Woo de Hong Kong, le film est meilleur que The Killer (réalisé en 1989 mais ici seule compte la date de sortie française.) Bien à vous,
Bonne chance chez Artung, Olivier ! H.M.
Merci Harold !